L’expo photos de Nicolas

Nicolas RABEL est un Champagnacois d’adoption, il a des attaches dans le village de Miginiac, il aime notre territoire, et il nous propose ses clichés, réalisés dans notre commune et les communes alentours, agrémentés de très beaux textes.
Il est aussi l’auteur de deux romans ” Une Libération” et Le choix de mon père”  que vous pouvez trouver en livre de poche. Ils sont aussi disponible à la bibliothèque municipale.

TOURNE LA TERRE

TOURNE LA TERRE

Les étangs autour de Sédières sont des endroits magiques en toutes saisons. Au printemps quand les couleurs vives d’une végétation naissante brillent sous une lumière neuve, les matins ou les soirs d’été quand le soleil frôle délicatement les cimes, à l’automne quand le décor se pare de teintes chaudes pour repousser le froid qui veut s’imposer, et en hiver lorsque le paysage se montre sans parure, dans sa beauté nue. Ne reste alors que la peau orangée abandonnée par les arbres qui vont muer sous la pluie, le vent et le gel des mois sombres.
La présence de l’eau à leurs pieds valorise ces lieux chaque jour différents ; selon l’humeur du ciel ils s’y reflètent plus ou moins, y captent plus ou moins d’éclat, s’enrichissent plus ou moins de leur double renversé. Si les arbres sont photogéniques, leur image sur les miroirs aquatiques l’est tout autant. Et quand les deux s’offrent en harmonie, il faut avoir la chance d’être là pour capter leur danse.
Cette photo, je l’ai prise un matin d’hiver. J’ai aimé cet arbre à moitié déraciné qui tanguait dangereusement vers l’étang glacé, ses branches qui flirtaient avec la surface de l’eau sans pour autant la toucher, comme une caresse délicate qu’il n’oserait porter à lui-même. J’ai aimé aussi la noirceur poétique de l’eau hivernale, lisse et angoissante, avec cet air fragile qui peut cacher les plus grands tourments. J’ai été troublé par le contraste entre la beauté simple du tableau et l’infinité de secrets qu’il peut soumettre à notre imagination. Une nature morte dans le vrai sens du terme, le sublime de la nature mêlé au terrible de la mort. Et puis au-delà de ces branches il y avait la surface couverte d’une fine pellicule de glace ; ce détail renforçait le côté mystérieux de cet arbre qui côtoyait son reflet comme un personnage de conte qui cherche dans son image à comprendre qui il est.
J’étais content de ma prise, heureux d’avoir enfermé dans mon appareil cette parcelle de féérie. Et le soir, en faisant l’inventaire les photos récoltées dans la journée, je l’ai instinctivement retournée pour voir ce que cela donnait. Alors la magie s’est révélée plus encore. À l’envers, l’image garde de la cohérence, mais le fait de la présenter la tête en bas crée une sorte de nouveau trouble. On a l’impression de regarder un arbre en suspens au-dessus de l’eau, qui pointe le bout de ses doigts vers les nuages, pourtant il y a un ressenti étrange, on est déstabilisé par le léger manque de repère qui accentue le flottement, sans pour autant être dans quelque chose d’abstrait.

Et c’est cette infime frontière entre le réel et le fantastique qui m’a convaincu de la garder dans ce sens. La photo s’est imposée sous cette forme. Car c’est elle qui décide de son sort, c’est elle qui nous guide lorsqu’on a su la capter. Comme un animal qui se laisserait dompter mais qui garderait toujours en lui une sauvagerie pure.

Nicolas RABEL [privateupham@hotmail.com]
LA CROIX DE LA GANE

LA CROIX DE LA GANE

 

Un petit tour le long de la Gane dans le contrebas de Miginiac à n’importe quelle heure du jour est toujours un instant privilégié, comme un moment suspendu, une source de bien-être, avec la tentation de se laisser engloutir par la forêt environnante ou de s’allonger sur l’herbe pour se laisser bercer par la frondaison.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire la brume matinale qui se devine en arrière-plan, c’est un soir d’Avril que cette photo a été prise. En descendant après le dîner écouter le ruisseau raconter ses histoires et tendre l’oreille vers la respiration de la forêt déjà sombre, je suis tombé sur cet étrange tableau : une brume du soir qui montait dans le pré voisin, au creux des deux petits vallons. J’avais devant moi un décor du matin mais avec une lumière de fin de journée.
Pour trouver l’axe qui me plaisait avec dans ma ligne de mire la croix, l’arbre et le ruisseau, j’ai dû me tenir en équilibre un pied sur la rive et l’autre sur une pierre affleurant au milieu de l’eau encore abondante en cette saison. Une fois bien callé, le pied fixé tant bien que mal sur la roche humide et donc glissante, j’ai rapidement obtenu ce que je voulais.
J’ai ensuite poursuivi mon chemin dans ce coton pour photographier la croix de plus près. Derrière, le brouillard était bien épais, et de ses profondeurs me parvenaient des petits bruits. Un froissement, un murmure qui n’était pas celui de l’eau. En m’approchant encore un peu, j’ai distingué une dizaine de vaches, fantômes massifs et tranquilles qui broutaient dans le soir déclinant. Je les ai photographiées, mais le voile qui les couvrait les rendait presque invisibles sur les clichés numériques. J’ai attendu qu’elles se rapprochent un peu, mais dans ce ‘chien et loup’ elles m’avaient remarqué et elles gardaient leur distance, restant trop éloignées pour apparaître plus distinctement. La nuit tirait son rideau et bientôt je ne verrai plus rien ; j’étais battu par les éléments et la frilosité de mes modèles. Frustré, j’ai quand même refait quelques tentatives mais ai gardé mes prises uniquement en souvenir.
Plusieurs fois auparavant j’avais essayé de prendre cet endroit en photo, de traduire sur une image ce calme qui me gagne en côtoyant la Gane, ses arbres, le chant vivace de son eau et cette croix mystérieuse, en vain. C’est uniquement ce jour-là, à cette heure-là, avec ces conditions climatiques-là, que j’ai pu capturer l’âme du lieu.
J’ai voulu refaire cette photo en été en me replaçant au même endroit, un pied sur la rive, l’autre sur le rocher un peu plus dénudé par la sécheresse, mais impossible de reproduire le cliché ; l’épaisse végétation de Juillet cachait la croix, rendait le ruisseau invisible, et la lumière écrasait la profondeur du décor. Je trouvai donc une fois encore confirmation que cette photo n’aurait pu être prise que ce soir d’Avril et à aucun autre moment. La Gane et sa croix s’étaient dévoilées pour quelques minutes ; j’avais eu la chance d’être là.

Nicolas RABEL [privateupham@hotmail.com]
LES RACINES DU PREVOT

LES RACINES DU PRÉVÔT

Cela n’apparaît pas sur la photo, mais ce vieux chêne a planté ses racines tout au bord d’un étang, pratiquement les pieds dans l’eau, et est exposé plein Ouest pour profiter jusqu’au bout de la chaleur du soleil avant que celui-ci ne s’évapore dans les sapins de l’autre rive. C’est à l’étang Prévôt, sur la commune de Champagnac-la-Noaille. Il est bien là, sur la petite ‘plage’ communale ; il a de la compagnie l’été quand locaux et vacanciers viennent trouver un peu de fraîcheur au bord du plan d’eau, mais aussi l’hiver quand, effeuillé, squelettique, il est le gardien du temple déserté. Il peut alors hiberner tranquillement dans l’attente d’une nouvelle saison où il pourra redéployer ses branches.
Quand vous nagez, c’est lui qui veille sur vous. Quand vous êtes étendu sur l’herbe, c’est lui qui répand la plus grande ombre. C’est un senior qui voit sa progéniture grandir, vieillir, et transmettre les lieux à sa descendance. Les habitués qui venaient là dans les années soixante-dix avec leurs enfants, regardent maintenant leurs petits-enfants se débattre dans l’eau caramel, et lui est toujours présent, dressé, protecteur, ravi d’avoir autour de lui les générations qui se succèdent.
Souvent j’ai voulu prendre en photo ce tronc et ces racines, emporter un souvenir de ces serres magnifiques qui agrippent la terre, de cette écorce de dinosaure, capter la force qui sourd de la terre où plongent les nerfs du bel animal. Mais jamais je n’y arrivais. Soit des baigneurs profitaient dans le jour déclinant du calme revenu après la rumeur estivale, soit la lumière ne permettait pas de mettre en valeur tout son caractère. Et puis un jour c’est venu, à la fin du mois d’août, en fin de journée bien sûr, quand le soleil et la surface lisse de l’étang s’associent pour en adoucir les reflets. Tout était en place, l’obscurité du second plan qui le mettait sur le devant de la scène et détachait bien ses racines, la bruyère qui avait résisté au piétinement des visiteurs, les troncs à droite qui apparaissaient comme des groupies un peu en retrait. Nous étions venus faire un rapide plongeon dès notre arrivée à Miginiac, après plusieurs heures de voiture, pour goûter tout de suite aux racines corréziennes, et en sortant de l’eau tout était là, il n’y avait plus qu’à faire un rapide réglage, se placer, et appuyer sur le déclencheur.
Ce vieux chêne porte une belle maturité. Il est comme un vieil oncle célibataire qui a pris soin de lui pour rester séduisant. Mais il ne plastronne pas. Il est fier mais ne se montre jamais arrogant ; il sait rester discret, et n’essaye pas de voler la vedette. C’est ce qui fait son charme aussi, cette manière de se mêler aux autres, de respecter les siens, frères de sève, compagnons végétaux, malgré sa superbe.
C’est pour cela qu’on le retrouve chaque année avec le même plaisir, inchangé, juste un brin vieilli, tout comme nous, et avec toujours cette façon délicate de nous accueillir dans son petit paradis, et de nous inviter à nous ressourcer sur ses terres.
Nicolas RABEL privateupham@hotmail.com TEINT DE CHATAIGNE

TEINT DE CHÂTAIGNE

Tout un symbole : des châtaignes grillées enveloppées dans la page météo de La Montagne ! Un jour d’automne résumé en un cliché.
Une journée idéale, de celles où la brume matinale résiste aux assauts insistants d’un soleil poussif, doux brouillard accroché aux branches effeuillées où perle une rosée scintillante. Puis le voile vaporeux se dissipe pour laisser l’environnement prendre forme : les toits de lauze affichent leur noirceur rutilante, les sapins donnent de leur puissante verdure, la mousse s’égaie sur les longs murets au bord des chemins, quelques larmes du matin glissent encore sur les fils barbelés sur lesquels s’épanouit la rouille. Et puis là, amputé par le temps mais encore massif, un châtaigner se défait d’une bogue sur le tapis de feuilles embrunies et racornies. Le son est feutré, il résonne à peine sur la terre engourdie. Et de l’enveloppe moelleuse aux picots agressifs que la chute a fendue, naît ce fruit magique à la peau douce comme un cuir neuf.
On tourne autour du tronc fripé et en quelques pas on ramasse un plein panier de ces offrandes tombées du ciel. Les feuilles imbibées en cachent bien encore quelques-unes, mais d’un revers du pied ou de la main on les chasse et on continue de se servir. Certaines bogues se mettent en travers de notre route pour nous griffer, mais ce n’est qu’un baroud d’honneur car leur bataille est terminée, leur mission accomplie puisqu’elles ont mené leur fruit à maturité. A nous de prendre le relais.
En fin d’après-midi vient le moment d’activer le cantou ; tandis qu’il muscle ses flammes, il faut procéder à une légère incision dans le corps des châtaignes avant de les envoyer au feu. Chirurgien improvisé mais consommateur avisé, on fend cette carapace en épargnant si possible les entrailles encore crues. Puis on écoute le chant des châtaignes qui grillent sur la plaque de métal que l’on a sortie pour l’occasion. C’est un sifflement lumineux, une mélodie qui ensorcelle, une agonie heureuse.
En refroidissant, la peau craque encore comme les branches dans la nuit revenue. On fait sauter les boules légèrement noircies dans le creux de sa main pour éviter de se brûler, puis quand elles commencent à tiédir, on peut enfin les décortiquer et en libérer le fumet sucré. N’est plus que le plaisir de les savourer.
Cette photo de châtaignes ensoleillées, je l’ai prise alors que j’enveloppais mes trésors grillés de la veille, dehors dans la douceur persistante d’un matin d’automne. Il n’y a eu aucune mise en scène pour que s’alignent ainsi le symbole du beau temps, le « Corrèze aujourd’hui » et les fruits séchés par le feu ; le tableau est apparu tout seul, avec son allure de carte postale. Alors j’ai essuyé mes mains tâchées par l’encre du journal et la suie de la cuisson, et j’ai laissé l’objectif se régaler.
Nicolas RABELprivateupham@hotmail.com GLACONS GAZEUX

GLAÇONS GAZEUX

Depuis plusieurs jours déjà le paysage était saupoudré de neige. La couche n’était pas épaisse mais, doublée d’un soleil resplendissant, elle avait donné aux routes, aux toits, aux arbres, cette belle teinte uniforme et éclatante des vrais jours d’hiver. Le silence n’en était que plus total, le moindre son étouffé par cette poudre magique. Le lendemain de Noël, Miginiac fut envahi par la glace. Non pas par ce verglas qui paralyse toute vie comme c’est parfois le cas, mais par des sculptures naturelles qui s’étaient formées dans la nuit. La douceur de la veille avait réduit la pellicule de neige en libérant par endroits une eau fraîche qui ne demandait qu’à s’écouler. C’est ainsi que je découvris tout le long du magnifique toit de chaume de la maison qui domine la forêt, une rangée de magnifiques stalactites, immenses aiguilles effilées, pieux glacés qui s’étirent vers le bas. Ils avaient la taille d’un avant-bras, translucides, attirant les rayons du soleil qui se frayaient un chemin à travers les branches dénudées. Des gouttes cristallines se formaient à la pointe de chacune de ces armes éphémères, émettant un cliquetis unique en tombant sur la neige détrempée, sur un rythme aléatoire. Le spectacle était hypnotisant. Je ne sais pas ce qui me poussa ensuite vers le ruisseau un peu plus bas, peut-être sa chanson elle aussi envoûtante, mais j’y découvris un tableau plus surprenant encore. L’eau qui sautait joyeusement en petites cascades dans le ruisseau en pente en éclaboussant les bords, s’était laissé emprisonner par le gel nocturne, s’accumulant autour des grands brins d’herbe penchés sur le petit cours d’eau. Il s’en était formé des sortes de doigts de glace, eux aussi translucides, au milieu desquels brillait le brin d’herbe capturé dont le soleil accentuait la phosphorescence. Des mains entières semblaient ainsi sortir de ces mottes, comme si la terre avait commencé à prendre forme humaine. Plus près de la surface bouillonnante, la glace s’amassait en formes moins gracieuses mais plus irréelles, modelages surréalistes créés au hasard des bonds effectués par l’écoulement accéléré. En approchant mon objectif, je pénétrai dans un monde abstrait, proche de la peinture si on avait pu le mettre en relief sur les photos. C’est une fois de plus ce qui m’a plu, trouver dans ce merveilleux phénomène naturel une image qu’on ne comprendrait pas au premier abord. On y devine l’eau, on reconnait les bulles formées par le minuscule torrent, on croit voir des sortes de glaçons, mais on ne sait pas exactement de quoi il s’agit, comment ces trois états liquides se sont associés. L’après-midi-même tout avait disparu, emporté par les caresses du soleil hivernal ; j’avais eu la chance de capter ces beautés glacées dont je n’ai, depuis, plus jamais été témoin.
Nicolas RABEL privateupham@hotmail.com TRACTEUR SUR LA PAILLE

TRACTEUR SUR LA PAILLE

Ce tracteur, c’est le cœur d’une grange qui ne bat plus. Il est là, sur la paille, la porte souvent ouverte devant lui comme pour lui permettre de regarder au dehors ce monde auquel il ne prend plus part. Lui qui est arrivé comme un messie après la guerre, avec l’aire de la motorisation, narguant les bêtes qui tractaient jusque-là les chargements ou aidaient à retourner les champs. Lui qui était le symbole de la modernité, d’un rouge vif avec deux grands yeux jaunes, il paradait, sans doute aussi fier que son propriétaire, ronronnant vigoureusement sur les chemins, grondant quotidiennement sur la route qui traverse Miginiac. Il roulait des mécaniques, mordait la terre de ses grandes dents de caoutchouc, singeant les vieux outils avec ses airs de nouveau conquérant. On le respectait alors, il était l’idée du futur.
Désormais il trône là, vieux roi du passé, définitivement muet.
Ce tracteur, je l’ai toujours vu à cette place, dans cette lumière qui vient caresser sa vieille carlingue à la peinture défraîchie, patine des ans qui lui donne cette allure de grand-père vaillant que l’on respecte. Jamais je n’ai entendu le son de sa voix. Je sais que ses poumons crachent encore parfois un peu de fumée et qu’il va dans les bois chercher les bûches qui lui tiennent compagnie, mais jamais je n’ai été là pour le voir sortir de son antre et s’éloigner sur le bitume.
Chaque fois que je reviens, il est là, comme attendant de la visite, prêt à poser quelle que soit l’exposition, ciel humide d’été, soleil rasant d’hiver, jeunes rayons du printemps. Et chaque fois je me laisse tenter à l’immortaliser encore, comme pour lui faire honneur, comme pour lui dire qu’il a toujours de l’allure, qu’il porte beau malgré les années, que sa carapace usée mais sans rides accroche bien la lumière. Et il se laisse faire, prend plaisir à me voir tourner autour de lui, se sentant revivre dans l’intimité de cette séance photo, retrouvant tout à coup sa vigueur d’antan.
Cette fois-là j’optai pour le noir et blanc pour mettre en valeur l’environnement sur lequel il règne, les filets lumineux qui viennent effleurer les mèches de paille au-dessus de lui, les reflets sur les tranches fraîches des stères qui vieillissent à ses côtés, les brillances qui s’étalent à ses pieds, les mangeoires fermées, symboles elles aussi d’un temps qui n’est plus, de cette vie qui est partie. Il y a aussi cette obscurité qui l’encercle et qui semble vouloir l’engloutir, mais contre laquelle il se bat, chassant les ombres noires qui volent tout autour. Il veut rester encore, voir encore les saisons se succéder, savourer un soleil qui chauffe le métal de sa vieille carcasse, sentir l’onglée de Janvier à travers ses pneus rongés.
Ce tracteur, il est comme nos aïeux, gardien de notre mémoire, et il vit à son rythme, tranquille observateur d’un monde qui va trop vite pour lui. Alors on lui a mis une couverture pour qu’il n’attrape pas trop froid, pour qu’il redémarre la prochaine fois, car même s’il n’est plus aussi vaillant, il est toujours prêt à rendre encore un ou deux petits services, dans la mesure des forces qui lui restent.
Nicolas RABELprivateupham@hotmail.com

ETOILES DU MATINETOILES DU MATIN

Un matin du mois de décembre. Les étoiles se sont exprimées toute la nuit au-dessus de nous. Elles ont semé leurs résidus de lumière sur le pré, recréant une voûte céleste mouvante sur les brins d’herbe qui s’étirent paresseusement dans l’air matinal. La magie est là à portée de main, gorgée d’énergie, lourde de sa lumière de diamant. On pourrait se croire astronaute, filant dans le silence de l’espace, au milieu d’un champ interstellaire. On aimerait aussi être un insecte et survoler la zone en rasant les pointes des brins d’herbe translucides, ou progresser au niveau du sol, la tête en l’air comme dans une forêt fantasmagorique.
L’atmosphère est chargée d’humidité. Il faut attendre que le soleil franchisse la cime des arbres pour effacer la légère nappe de brouillard et que sa lumière vienne se fractionner sur les milliers de gouttelettes. On reste alors émerveillé par la simplicité de cette œuvre naturelle faite d’une portion de nature, d’eau pure et de lumière franche. On reste comme hypnotisé par cette infinité de minuscules sphères liquides qui se tiennent comme suspendues dans le vide. C’est un équilibre précaire ; un coup de vent un peu brusque pourrait faire tout disparaître en un clin d’ œil.
C’est ce qui m’a plu d’emblée lorsque je suis tombé nez à nez avec ce miniature décor surnaturel. Comme tous les matins, j’avais porté mon regard vers l’extérieur de la maison pour voir s’il n’y avait pas un instant à capter, une image à capturer. Pour quelqu’un qui, comme moi, aime jouer avec la lumière et la matière, c’était une authentique aubaine. L’objectif de l’appareil photo pouvait plonger la tête la première dans cet océan étincelant ; ne restait qu’à déterminer l’intensité que je voulais restituer en jouant sur les réglages, voir s’il était préférable de garder la couleur, un vert intense, ou lui préférer un noir et blanc qui donnerait à cette prise matinale plus de mystère encore.
Tout était figé devant moi, comme une nature morte, bien que ce fût tout le contraire puisqu’elle était composée de ce qui donnait la vie ! Le jeu de lumière était éphémère, mais la lente progression du soleil et l’heure que prendrait cette belle rosée pour s’évaporer me laissaient quand même le temps de prendre mes clichés tranquillement en essayant de multiples points de vue.
Je réussis toutefois à me restreindre et à trouver plus tard aisément les quatre ou cinq prises qui exprimaient fidèlement ce que j’avais ressenti. Et qui pourraient me permettre, quand je le souhaiterais, de replonger la tête dans les étoiles.

Nicolas Rabel

Contact :[privateupham@hotmail.com]